Jusqu’ici marginal et mal vu en France, le télétravail a été imposé et généralisé par la crise du Covid. Depuis la rentrée, alors qu’il n’est plus obligatoire, ce mode de fonctionnement s’ancre dans les mentalités ; les entreprises doivent trouver de nouvelles marques…
Travail à distance à 100 % ? Deux ou trois jours par semaine ? Ou retour au présentiel ?
Depuis le 1er septembre 2021 – et la fin des injonctions de l’Etat – les entreprises ont retrouvé la main sur leur organisation de travail. Mais cette expérience inédite de plusieurs mois a montré que le télétravail (au moins à temps partiel) rendait la vie plus facile à beaucoup d’employés…
Les salariés ont trouvé un confort dans le distanciel par l’économie des temps de transport (48 minutes par jour en moyenne en France) et le fait de disposer de marges de manoeuvre dans les horaires.
Cet automne, le travail à distance est donc LE sujet « RH » incontournable ! Évidemment, la préservation de sa santé va de pair : nécessité d’équiper les télétravailleurs, de lutter contre l’augmentation inévitable de la sédentarité (voir interview ci-après d’Evelyne Cance) ou les TMS (troubles musculo-squelettiques), mais aussi de prévenir de nouvelles formes de pathologies comme l’accoutumance aux écrans, la « zoom fatigue » ou encore la « cyberaddiction ».
« Le premier aspect auquel on pense est l’aménagement du poste de travail », reconnaît le Dr Nicolas Teulade, médecin du travail à l’AIPALS qui suit plus de 400 entreprises. « Mais l’aspect psychosocial ne doit pas être négligé :
Qu’est-ce qui change dans notre rapport au travail ?
Cela entraîne des questions sur le contrôle du temps de travail et la quantification de la charge, le respect des horaires, le droit à la déconnexion, la frontière vie professionnelle – vie personnelle, l’autonomie des salariés, les canaux de communication interne, l’intégration des nouveaux salariés ou encore la relation au collectif… ».
557 millions
de personnes ont télétravaillé dans le monde en 2020 (17 % de la population active). Environ 5 millions de salariés ont fonctionné en mode distanciel suite à la crise de la Covid-19 contre environ 900 000 avant.
80% des salariés
ayant expérimentés le mode distanciel souhaitent pouvoir continuer d’en bénéficier en mode hybride mêlant présentiel et distanciel. Septembre 2021 : l’obligation de télétravail lié à la pandémie est supprimée.
41 % des salariés
s’estiment plus efficaces quand ils sont en télétravail. Un gain de temps sans les déplacements domicile-travail, la gestion plus facile de certains aspects de sa vie privée, l’organisation plus flexible et le sentiment de se sentir plus efficace en travaillant chez soi… Voici, dans l’ordre de préférence, les quatre arguments que les salariés se mettent en tête pour justifier leur goût du télétravail.
20 000 accords ont été négociés sur le télétravail. Un chiffre assez faible qui ne concerne que les grandes entreprises (plus de 50 salariés).
Pauses café virtuelles
Ne pas perdre l’esprit d’équipe est, en effet, l’un des enjeux. À la Coopérative U Enseigne (qui regroupe les enseignes Hyper U, Super U, U Express et Utile), des « pauses virtuelles » ont été ainsi institutionnalisées. « On se connecte tous vers 13h30 comme on irait se rejoindre à la machine à café »,
raconte Pascale Allegret, responsable Projets EQVT de la centrale d’achats de Vendargues, aux portes de Montpellier. « On se raconte notre week-end et les choses de la vie, ce qui permet de garder de la convivialité entre nous ».
La distance bouscule aussi les acquis de l’encadrement. Le quotidien des managers n’est pas de tout repos : rythme des équipes, organisation, nouvelles habitudes de travail…
Il s’agit de retrouver de la stabilité et de s’adapter ! « Les qualités qui étaient indispensables en présentiel, dans l’open-space, ne sont pas les mêmes qui sont requises pour le télétravail », confirme Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH au Figaro, « c’est d’ailleurs un vrai coup dur pour certains profils ».
Comment gérer la participation de tous les salariés ? Comment gérer les projets transverses ?
Comment s’entretenir en privé avec ses collaborateurs ?
Comment s’assurer d’une culture commune ?
Il y a autant de réponses possibles que d’entreprises…
Nouveaux rituels
Toutefois, il est essentiel de prévoir des temps présentiels collectifs où tous les membres d’un collectif se retrouvent et que les jours en présentiel soient dédiés à des activités et réflexions en équipe. L’animation de groupe se veut désormais hybride avec des rituels spécifiques qui doivent être repensés :
- réunions “météo” avec l’ensemble des membres de l’entreprise pour échanger sur l’humeur du jour,
- point d’information hebdomadaire,
- point pilotage tous les 15 jours,
- temps d’échange sur les pratiques tous les mois,
- temps de travail sur les projets tous les deux mois.
Mais les transformations liées au télétravail peuvent conduire beaucoup plus loin comme des recrutements bien au-delà de la zone géographique habituelle ou encore la création de nouveaux espaces de travail dont le coworking ou le flex-office (voir témoignage p6).
Quelles que soient les évolutions de l’entreprise, le sujet reste sensible à négocier.
Si le télétravail peut faire l’objet d’un accord négocié avec les représentants du personnel, la plupart des PME-TPE semblent passer par des chartes, jugées moins formelles et plus rapides. « Il est essentiel de discuter en amont, bien avant la mise en place, avec l’ensemble du personnel et ses représentants », insiste le Dr Nicolas Teulade. « Cette phase de concertation et d’analyse est primordiale pour éviter des erreurs qui peuvent avoir un impact certain sur la santé des salariés ».
Expérimenter avant de décider
À la question « quelle est l’organisation hybride idéale ? », il est encore difficile de répondre clairement et définitivement. Sous réserve de l’éligibilité des activités au mode distanciel et des exigences de présentéisme, les entreprises se doivent de proposer des modèles d’organisation hybrides avec des temps en présentiel et des temps en distanciel. Pour l’heure, les entreprises ont majoritairement négocié un modèle 60/40 avec 3 jours par semaine en présentiel et 2 jours en distanciel.
Elles devront expérimenter pendant plusieurs mois avant de retrouver des habitudes de fonctionnement. L’enjeu clé reste la performance. Si les entreprises arrivent à la développer tout en offrant aux salariés un confort et une intégration, le pari de l’hybridation sera gagné avec un impact RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) très intéressant !